Dix ans après ? Presque. Le Prix Clara 2016 vu depuis 2025

À l’échelle du temps littéraire, dix ans, ce n’est rien. À l’échelle de l’adolescence, c’est une vie entière. Relire aujourd’hui les nouvelles du Prix Clara 2016, c’est remonter dans une époque encore familière mais déjà lointaine : un monde sans pandémie, sans intelligence artificielle générative, sans l’éco-anxiété qui structure tant de récits d’adolescents aujourd’hui. Pourtant, à travers les textes primés cette année-là, on découvre une chose troublante : les préoccupations de ces jeunes auteurs résonnent toujours avec notre présent.

À l’heure où les questions d’expression, de visibilité et de transmission des voix adolescentes traversent la société, le Prix Clara apparaît comme bien plus qu’un simple concours littéraire. C’est une mémoire vivante, un recueil d’âges, de regards, de premières fois. Replonger dans l’édition 2016, c’est tendre l’oreille à une jeunesse qui écrivait sans savoir que ses mots, presque dix ans plus tard, porteraient encore aussi juste.

Qui étaient les lauréats du Prix Clara 2016 ?

L’édition 2016 du Prix Clara a récompensé six jeunes auteur·rice·s, âgé·e·s de 14 à 17 ans, pour des nouvelles d’ados aux univers aussi variés que profonds. Comme chaque année, la sélection a été marquée par un équilibre subtil entre sensibilité littéraire, originalité narrative et profondeur émotionnelle.

On y retrouvait par exemple Pauline Aubrée, dont la nouvelle « Lou », intime et lumineuse, explorait les mystères de l’amitié adolescente. Marion Andrès, avec « Lignes de vie », proposait un récit grave et poétique sur la perte, tandis que Paul Luneau, dans « Les Moineaux », signait un texte discret et contemplatif sur le silence et la solitude. D’autres, comme Ludivine Irolla, choisissaient des voies plus sociales ou symboliques, avec des textes ancrés dans le réel ou frôlant l’allégorie.

Ces lauréats du Prix Clara 2016 ont été publiés dans un recueil édité à l’automne par les éditions Héloïse d’Ormesson, puis Fleurus, comme le veut la tradition. À défaut de suivre leur parcours personnel aujourd’hui, ce sont leurs textes qui restent. Et c’est à travers eux que l’on peut encore entendre battre le cœur de cette génération d’auteurs adolescents.

Ce que disaient leurs textes : thématiques dominantes

Les nouvelles primées en 2016 témoignaient d’une étonnante lucidité adolescente, entre révolte sourde et tendresse fragile. À travers leurs récits, les jeunes lauréats du Prix Clara 2016 abordaient des thématiques profondément humaines : la famille, l’amour, la guerre, l’injustice, ou encore la construction de soi.

Certaines histoires mettaient en scène la douleur silencieuse du deuil, d’autres captaient le vacillement d’un regard dans le miroir à l’âge des premières désillusions. On y croisait des héroïnes marginales, des figures paternelles absentes, des quêtes d’identité — autant de motifs littéraires classiques, mais traités ici avec une sincérité vibrante.

L’originalité de ces textes tenait moins à leurs intrigues qu’à leur écriture directe, souvent poétique, parfois brutale, toujours chargée d’émotion. En relisant ces nouvelles depuis 2025, ce qui frappe, c’est leur actualité sourde : la pression des normes sociales, les premiers questionnements sur les réseaux sociaux, les conflits intimes face à un monde instable. Sans parler encore d’éco-anxiété ou d’IA, ces jeunes écrivain·e·s pressentaient déjà une forme de fragilité du réel, comme si l’avenir leur paraissait flou, incertain.

Ces textes n’étaient pas seulement le reflet d’une adolescence : ils en captaient la pulsation universelle, celle que toute génération porte à sa manière.

Une écriture adolescente à la croisée des époques

Ce qui rend ces nouvelles du Prix Clara 2016 si troublantes à relire aujourd’hui, c’est qu’elles semblent écrites dans un entre-deux, entre un monde ancien et celui que nous connaissons aujourd’hui. Leur écriture ne parle pas encore de collapsologie ou d’algorithmes, mais elle est déjà marquée par une sensation d’instabilité, de rupture douce. Comme si ces jeunes, alors mineur·e·s, pressentaient que les repères allaient se brouiller.

On y découvre une littérature adolescente qui ne cherche pas à « faire adulte », mais à dire juste. Une littérature qui expérimente les formes, ose les silences, les confessions, les récits fragmentés. On est loin du stéréotype du texte scolaire : ici, les jeunes auteur·rice·s s’affirment comme des écrivain·e·s en devenir, avec des voix qui cherchent déjà à se distinguer.

En 2025, alors que les préoccupations des jeunes écrivains se radicalisent parfois autour de l’urgence climatique ou de la justice sociale, relire 2016 permet de comprendre une bascule. Ces textes, sans slogans ni manifestes, étaient habités d’un doute sincère : comment trouver sa place, sa langue, son souffle, à un âge où tout vacille ?

Le Prix Clara devient alors un révélateur. Non seulement de talents, mais de moments de bascule générationnelle, où l’écriture devient un point d’ancrage dans un monde mouvant.

Pourquoi ces voix comptent encore aujourd’hui ?

Presque dix ans après leur parution, les textes du Prix Clara 2016 n’ont rien perdu de leur intensité. Bien sûr, les contextes ont changé, les jeunes auteur·rice·s ont grandi — peut-être ne réécriraient-ils plus les mêmes histoires aujourd’hui. Et pourtant, leur voix demeure.

Ce que ces nouvelles nous rappellent, c’est que l’adolescence, au-delà de son âge, est un lieu littéraire à part entière. Un lieu d’élan, de rupture, d’authenticité. En donnant la parole à ces jeunes, le Prix Clara ne leur a pas simplement offert une reconnaissance éditoriale : il leur a permis d’exister en tant que sujet littéraire, d’habiter leur époque avec leurs propres mots.

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