En cette fin d’année 2025, alors que l’édition 2025 du Prix Clara vient de se clôturer et que nous attendons l’annonce des lauréats prévue pour novembre, il est temps de revenir sur un millésime particulièrement emblématique : 2019. Cette année-là, six adolescents montaient sur la scène de l’Hôtel de Ville de Paris pour recevoir leur prix des mains d’Erik Orsenna. Leurs nouvelles résonnaient déjà des préoccupations qui allaient exploser dans les années suivantes : urgence climatique, quête de sens, besoin d’évasion face à un monde anxiogène.
Relire aujourd’hui ces textes, c’est mesurer à quel point la littérature pour adolescents constitue un sismographe sensible des mutations de notre société. Entre 2019 et 2025, le monde a basculé : pandémie, crises géopolitiques, urgence climatique renforcée, explosion de l’éco-anxiété chez les jeunes. Les mots écrits par ces adolescents de 2019 nous parlent avec une acuité troublante de ce que nous vivons aujourd’hui.
Le recueil 2019 du Prix Clara réunissait des nouvelles aussi diverses que profondes : Gaïus d’Alice Lafon-Verroest, Direction Étoile de Léo Riehl, Et si c’était nous… d’Inès Valade, Attention, danger d’Ethel Bellaïche, Le vent dans les arbres de Jeanne Pion, et La dernière phrase du livre de Noa Littardi.
Ces textes exploraient déjà des thématiques universelles : l’amour, la science-fiction, le polar, le témoignage, l’aventure. Mais derrière cette diversité se cachait une constante : une sensibilité à vif, un besoin d’exprimer un malaise face à un monde qui changeait trop vite. En 2019, les adolescents commençaient à peine à descendre massivement dans les rues pour le climat, inspirés par Greta Thunberg. Leurs textes portaient déjà cette urgence.
L’année 2019 marquait un tournant pour la génération adolescente. Pour la première fois à une telle échelle, les jeunes Français quittaient les salles de classe pour manifester leur angoisse face à l’urgence climatique. Le 15 mars 2019, plus de 10 000 jeunes défilaient à Paris lors de la grève mondiale pour le climat. Leur slogan résonnait comme un cri : « Pourquoi aller à l’école si notre futur n’est pas garanti ? »
Les études de l’époque révélaient déjà que 32% des 18-30 ans plaçaient l’environnement en tête de leurs préoccupations, devant l’immigration et le chômage. Le changement climatique inquiétait 41% des jeunes de la génération Z à travers le monde. Cette anxiété commençait à s’infiltrer dans leur écriture, dans leurs rêves, dans leur vision de l’avenir.
Les lauréats du Prix Clara 2019 écrivaient dans ce contexte bouillonnant. Leurs nouvelles, même lorsqu’elles semblaient s’évader vers la science-fiction ou l’aventure, portaient en creux cette préoccupation pour un monde fragile. La littérature pour adolescents devenait le lieu où exprimer ce qui ne trouvait pas encore totalement sa place dans le débat public.
Six ans plus tard, en octobre 2025, le tableau s’est considérablement assombri. Les chiffres sont éloquents : 80% des adolescents se sentent aujourd’hui très anxieux à propos du climat, et près d’un sur six en perdrait le sommeil. L’éco-anxiété, encore émergente en 2019, est devenue une réalité clinique massive.
Les jeunes de 2025 vivent dans un contexte géopolitique et environnemental anxiogène sans précédent. La santé mentale est désormais leur première préoccupation, avec des taux de stress, d’anxiété et de signaux dépressifs alarmants. Les réseaux sociaux, omniprésents, amplifient ce sentiment d’insécurité émotionnelle.
Pourtant, contrairement aux idées reçues, cette génération n’est pas plus désenchantée que les précédentes. 57% des 14-15 ans se disent « écœurés par ce qu’ils voient autour d’eux » en 2024, contre 70% en 1973. La différence ? Ils transforment leur angoisse en action, en créativité, en engagement. Ils écrivent.
Six ans plus tard, en octobre 2025, le tableau s’est considérablement assombri. Les chiffres sont éloquents : 80% des adolescents se sentent aujourd’hui très anxieux à propos du climat, et près d’un sur six en perdrait le sommeil. L’éco-anxiété, encore émergente en 2019, est devenue une réalité clinique massive.
Les jeunes de 2025 vivent dans un contexte géopolitique et environnemental anxiogène sans précédent. La santé mentale est désormais leur première préoccupation, avec des taux de stress, d’anxiété et de signaux dépressifs alarmants. Les réseaux sociaux, omniprésents, amplifient ce sentiment d’insécurité émotionnelle.
Pourtant, contrairement aux idées reçues, cette génération n’est pas plus désenchantée que les précédentes. 57% des 14-15 ans se disent « écœurés par ce qu’ils voient autour d’eux » en 2024, contre 70% en 1973. La différence ? Ils transforment leur angoisse en action, en créativité, en engagement. Ils écrivent.
Relire les textes de 2019 à l’aune de 2025, c’est comprendre à quel point la littérature pour adolescents joue un rôle crucial dans la construction psychique des jeunes face aux crises. En 2019, les thèmes dominants du Prix UNICEF de littérature jeunesse étaient « Héroïnes et héros du quotidien, Petits et grands combats de société ». Les adolescents cherchaient déjà des modèles de résilience.
Aujourd’hui, la littérature jeunesse aborde frontalement les sujets difficiles : climat, guerre, religions, réseaux sociaux, inégalités sociales. Les romans young adult ne fuient plus les thématiques anxiogènes, ils les affrontent. Cette évolution répond à un besoin profond des adolescents : mettre des mots sur ce qui les terrifie.
Le Prix Clara, dans cette dynamique, offre un espace unique où les jeunes peuvent transformer leur mal-être en création. Depuis 2019, les nouvelles primées reflètent de plus en plus cette tension entre angoisse du présent et espoir pour l’avenir. Les lauréats 2024 – Camille Tirel, Estelle Lemerlet, Éloïse Cousin, Mathis Chevalley, Charlotte Antoine et Giovanni Lacroix – ont exploré des univers où se mêlent poésie, humour, drame et anticipation.
En cette fin octobre 2025, alors que l’édition du prix touche à sa fin et que le jury se réunit pour délibérer, une question se pose : que nous diront les nouvelles de cette année ? Si l’on se fie aux tendances observées, les jeunes auteurs de 2025 auront probablement abordé des thèmes encore plus marqués par l’urgence.
Les préoccupations des adolescents de 2025 sont claires : pouvoir d’achat (38%), inégalités sociales (27%), égalité hommes-femmes pour les jeunes femmes (31%). Leur vision du monde du travail est anxiogène : 70% le trouvent plus stressant qu’épanouissant. Pourtant, 70% restent optimistes concernant leur avenir professionnel.
Cette ambivalence – angoisse face au présent, espoir malgré tout – traverse la littérature pour adolescents contemporaine. Les jeunes écrivains du Prix Clara 2025 porteront probablement cette contradiction dans leurs textes : la peur, mais aussi la volonté de se battre, de créer, de résister.
Relire les voix du Prix Clara 2019, c’est mesurer le chemin parcouru. En six ans, les adolescents sont passés d’une prise de conscience diffuse à une lucidité parfois douloureuse sur l’état du monde. Leur écriture s’est affirmée, radicalisée même, dans le bon sens du terme : elle va à la racine des problèmes.
Les six lauréats de 2019 ont ouvert une voie. Ils ont prouvé qu’on peut avoir 15 ou 17 ans et avoir des choses essentielles à dire sur la direction que prend notre société. Leurs nouvelles, loin d’être de simples exercices de style, étaient déjà des actes de résistance créative.
Aujourd’hui, en 2025, cette résistance s’est amplifiée. Les adolescents écrivent pour ne pas sombrer, pour donner du sens, pour construire des mondes alternatifs où l’espoir reste possible. Ils utilisent la science-fiction pour anticiper les catastrophes, le polar pour dénoncer les injustices, la poésie pour panser les blessures.
En attendant l’annonce des lauréats 2025 prévue début novembre, relisons les textes de 2019. Ils nous rappellent qu’entre l’adolescence et le monde, la littérature construit des ponts fragiles mais essentiels. Ces ponts portent des noms : espoir, créativité, résilience. Et malgré les tempêtes qui secouent notre époque, ils tiennent bon, soutenus par les mots de milliers de jeunes auteurs qui refusent le silence.
Le Prix Clara continue, édition après édition, à offrir une scène à ces voix nécessaires. Et en 2025, plus que jamais, nous avons besoin de les écouter.
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