Un concours littéraire peut-il changer des vies ? Lorsqu’en 2007, six adolescentes montent pour la première fois sur la scène de l’Hôtel de Ville de Paris pour recevoir le tout premier Prix Clara, personne n’imagine encore l’ampleur que prendra cette initiative. Près de vingt ans plus tard, ce prix s’est imposé comme un rendez-vous incontournable de la littérature pour adolescents en France et en Europe, mêlant écriture, reconnaissance et engagement solidaire.
L’histoire du Prix Clara commence dans la douleur. Clara avait 13 ans. Clara aimait lire. Clara aimait écrire. Clara nous a quittés, brusquement. Décédée en 2006 des suites d’une malformation cardiaque non diagnostiquée, cette adolescente passionnée de littérature a inspiré ses proches à créer quelque chose d’unique.
Les Éditions Héloïse d’Ormesson, en collaboration avec la famille de Clara, lancent en 2006 un concours de nouvelles destiné aux jeunes de 13 à 18 ans. L’objectif ? Offrir à des adolescents qui, comme Clara, aiment lire et écrire, une tribune pour exprimer leurs rêves, leurs préoccupations et leur vision du monde. Dès sa création, l’académicien Erik Orsenna accepte d’en devenir le président d’honneur, apportant sa légitimité littéraire à cette initiative.
Mais le Prix Clara ne s’arrête pas à la reconnaissance littéraire. Dans un geste d’une rare cohérence, les bénéfices de la vente du recueil « Pour Clara » sont intégralement reversés à l’ARCFA (Association pour la Recherche en Cardiologie du Fœtus à l’Adulte) de l’Hôpital Necker-Enfants malades. Chaque livre vendu finance la recherche sur ces malformations cardiaques qui, trop souvent, restent invisibles jusqu’à ce qu’il soit trop tard.
L’édition 2007 marque le véritable coup d’envoi du Prix Clara. Cette première année révèle un millésime exclusivement féminin : six adolescentes voient leurs nouvelles sélectionnées parmi des centaines de candidatures. Amandine Pohu avec « Le Monde d’en bas », Noémie Eloy avec « Journal d’un vampire », Maud avec « Kronen », Paola avec « Pleure pas trop fort », et deux autres lauréates composent ce premier recueil.
Amandine Pohu, 17 ans, lycéenne en terminale S de Montpellier, incarne parfaitement l’esprit du prix. Passionnée de littérature malgré une orientation scientifique, elle pratique la danse classique et rêve d’écrire pour vivre. Son témoignage reflète l’enthousiasme de cette première promotion : « Je m’appelle Amandine, lauréate du Prix Clara 2007 (le premier !!!). »
Le jury, présidé par Erik Orsenna et composé de personnalités du monde littéraire et éditorial, découvre avec émotion la maturité et la profondeur des textes reçus. Ces nouvelles abordent déjà des thématiques variées : de l’imaginaire fantastique aux questionnements existentiels, en passant par les préoccupations sociales de l’époque.
Dès ses débuts, le Prix Clara se distingue par sa simplicité d’accès et son exigence qualitative. Les règles sont claires : avoir entre 13 et 18 ans, écrire une nouvelle en français sur le thème de son choix, et respecter un format de 5 à 20 pages. Aucune thématique imposée : les jeunes auteurs sont libres d’explorer tous les genres littéraires.
Critères du Prix Clara | Détails |
Âge requis | 13 à 18 ans |
Format | Nouvelle de 5 à 20 pages |
Thème | Libre, tous genres acceptés |
Langue | Français (ouvert aux francophones du monde entier) |
Publication | Recueil annuel aux éditions spécialisées |
Dimension caritative | Bénéfices reversés à l’ARCFA |
Cette liberté créative permet au prix de devenir un véritable observatoire de la jeunesse. Année après année, les nouvelles reflètent les préoccupations des adolescents : d’abord marquées par l’introspection et les questionnements identitaires, elles évoluent vers des thèmes sociétaux comme le climat, le harcèlement ou la diversité.
Le jury du Prix Clara réunit des figures majeures du monde littéraire français. Aux côtés d’Erik Orsenna, on trouve Christine Albanel (ancienne ministre de la Culture), Héloïse d’Ormesson et Gilles Cohen-Solal (Éditions Héloïse d’Ormesson), Bernard Lehut (journaliste RTL), ainsi que des membres de la famille de Clara et sa meilleure amie Margaux Solinas. Cette composition mêle professionnels de l’édition, personnalités médiatiques et proches de Clara, garantissant un équilibre entre exigence littéraire et fidélité à l’esprit du prix.
L’écrivain Jorge Semprun, aujourd’hui disparu, a également fait partie des premiers jurys, apportant son regard d’écrivain engagé. Depuis, d’anciens lauréats comme Sarah Léon (lauréate 2012) ont rejoint le jury, créant une continuité générationnelle particulièrement symbolique.
Ce qui débute en 2007 comme une initiative française s’impose progressivement comme un rendez-vous européen majeur. En 2019, les Éditions Fleurus rejoignent les Éditions Héloïse d’Ormesson pour poursuivre l’aventure. Le prix s’exporte en Allemagne en 2022, puis en Italie en 2023, devenant le premier prix européen de littérature pour adolescents.
Chaque automne, la cérémonie de remise des prix à Paris attire des centaines de personnes. En 2023, les 100 premiers lauréats ont été célébrés sous la Coupole de l’Institut de France, consacrant l’importance culturelle du Prix Clara. Depuis sa création, plusieurs milliers d’adolescents ont participé au concours, et plus d’une centaine ont vu leurs textes publiés.
Les recueils « Pour Clara », disponibles en librairie, sont préfacés par des personnalités littéraires de renom. En 2024, Amélie Nothomb a signé la préface, témoignant de la reconnaissance dont bénéficie désormais le prix.
Près de vingt ans après sa création, le Prix Clara a démontré une vérité essentielle : les adolescents ont des choses importantes à dire, et la société doit leur offrir des espaces pour le faire. Ce concours prouve que la littérature pour adolescents n’est pas un genre mineur, mais un territoire d’expression légitime et nécessaire.
Au-delà des chiffres – des centaines de manuscrits reçus chaque année, des dizaines de milliers d’euros reversés à la recherche médicale –, le Prix Clara a créé une communauté d’écrivains en herbe qui continuent souvent leur parcours littéraire bien après avoir été lauréats. Certains publient aujourd’hui leurs propres romans, d’autres sont devenus journalistes ou éditeurs. Tous gardent en mémoire ce moment où leurs mots ont été reconnus, validés, célébrés.
Clara n’avait que 13 ans quand elle nous a quittés. Mais son nom résonne aujourd’hui dans toute l’Europe, porté par les milliers de pages écrites par des adolescents qui, comme elle, croient au pouvoir des mots. Le Prix Clara 2007 n’était que le début d’une aventure littéraire et humaine qui continue de grandir, année après année, nouvelle après nouvelle, cœur après cœur.
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